«L’Histoire et la politique sont affaire de téméraires à l’ego hypertrophié. Ces êtres solaires et visionnaires qui avancent le long de nos routes semées de cadavres et de jasmin».
Si l’on peut effectivement entrer en politique par idéalisme, difficile d’y demeurer ou d’en ressortir dans le même état d’esprit. L’idéalisme ne subsiste pas longtemps au contact de la praxis politique. L’hydre politique est une entité corrosive et protéiforme dont la morale - si morale il y a - fluctue non pas suivant la, mais bien les réalités en cours, à venir, en devenir et en suspension. La politique n’est pas un passe-temps pour angelots jolis. Pas une discipline pour dilettantes. La realpolitik serait plutôt indiscipline puisqu’elle a une règle implicite transcendant toutes les autres : l’absence de règle justement. L’art de la palinodie ou retournement de veste s’y cultive allégrement.
En politique, il faut tout de même convaincre. Au risque de faire cavalier seul et se la jouer poor lonesome cowboy. Auquel cas, en tout cas si l’on navigue en démocratie, l’on risque fort de ne pas faire long feu : en terreau démocrate, c’est le nombre qui prime. Quelque soit la faculté de jugement de ce même nombre.
Afin de convaincre, il faut aller «dans le sens». Et aller «dans le sens» c’est parfois aller contre le (bon) sens. D’aucuns diront que cela tombe sous le sens, soit. Toujours est-il que l’on s’abime véritablement en politique, l’on s’y perd. Et pour les moins chanceux ou les plus fragiles psychologiquement : l’on s’y échoue. Et ne surtout pas compter sur vos «amis politiques» pour vous aider à vous relever, chacun d’eux étant obnubilé par son propre devenir… politique. La politique est hématophage; tout comme Dracula, elle se nourrit du sang de ses victimes les plus immédiates : les hommes et femmes politiques. Conscients de cette incongruité, certains hommes politiques se libèrent brillamment et avec les honneurs du champ de bataille, et vont d’eux même voir ailleurs s’ils y sont : Nelson Mandela est de ceux là.
Après quelques années de pouvoir Nelson M. ne s‘est guère représenté. Fortement plébiscité il le pouvait pourtant. Mais son image d’idéaliste était si puissamment ancrée et amplifiée dans l’imaginaire de tous qu’elle n’eut pu résister aux décisions qu’il aurait été obligé de prendre et aux erreurs d’appréciations qu’il aurait immanquablement faites. L’erreur étant consubstantielle à l’homme y compris ceux occupant des postes décisionnels. L’image d’icône du plus grand homme politique contemporain eut été écornée. A coup sûr. Car Mandela est un homme. Et comme tous les hommes, il a des qualités et des défauts. Il aurait déçu. Fatalement. Forcément. D’ailleurs son parti d’origine, l’ANC, ne se reconnaissait plus vraiment en lui, tout comme lui ne se reconnaissait plus réellement en eux. La projection stylisée que tout un chacun s’était faite de lui ne pouvait cohabiter avec les diverses contraintes et autres «réajustements structurels» propres à la real politik et semble t’il, inhérentsau rôle de chef d’état. Rendu à la vie civile, l’auréole de monsieur M. est demeurée intacte ou tout comme. Et puis, après tant d’années de lutte et de captivité, il lui fallait vivre. Vivre un peu. Vivre enfin. Rappelons que pour tous les hommes, qu’ils soient de grands politiques ou non, la règle, c’est une vie et non deux.
Paradoxe des paradoxes, pour certains hommes politiques s’entend, c’est donc parfois hors du ring politique proprement dit que ces derniers parachèvent au mieux leur carrière… politique.
La politique est hautement dangereuse. Elle change les hommes. Quelque soit leur niveau de probité initiale, les hommes et femmes s’immergeant en elle se voient bien souvent contraints de pagayer en eaux troubles. Monde étonnant dans lequel l’on ne peut évoluer sans laisser tout sentimentalisme ou «faiblesse» de coté.
Muselées : les envolées lyriques. Amputées : les ailes. A la trappe : les idéaux ou balivernes humanistes dont l’on se targuait avant de dument frayer avec la realpolitik. Tels sont les prix à payer pour y survivre. Traitresse majeure, la politique phagocyte les hommes et femmes qui s’aventurent en son sein. Elle est sables mouvants. Et ce sont mains et pieds bien arrimés au plat que l’on peut espérer y bâtir une casbah éthique et, ou, morale que la première bourrasque n’emportera pas.
En politique, l’idéalisme est donc une pure vue de l’esprit. Seule prime la raison, et ce, même si celle-ci s’avère hautement déraisonnable. Être pragmatique et calculateur, avoir une pratique assidue du sophisme, vivre constamment sous tension, anticiper le pire même lorsque les aficionados-griots s’entêtent à peinturlurer l‘avenir en rose bonbon.
L’expression stipulant que la fin justifie les moyens prend en politique et en Histoire tout son sens. Comme dirait l’Autre, il est pardonnable «de violer l’Histoire à condition de lui faire un enfant». C’est cela la politique : la vue d’ensemble au détriment du détail, le coup de canon au détriment de la petite musique de nuit, le résultat pour soi au détriment des états d’âmes, des États et de cette obscure entité répondant au nom de Peuple (négligeable, idiot de nature, relégué aux oubliettes, que l’on ne sort de la naphtaline qu’au tocsin des suffrages), prendre de la hauteur par rapport à la soudain obsolète notion de Mal et surtout, à celle de Bien.
De fait, Histoire et Politique sont affaire de téméraires à l’ego hypertrophié. Ces êtres solaires, solitaires et visionnaires qui, hiératiques, avancent le long de nos routes semées de cadavres et de jasmin. Mais «c’est pas grave». Car que c’est sur ces cadavres là que jaillira la félicité nouvelle Inch Allah. La fin justifie les moyens. La fin justifie tous les moyens. La loi des oligarques et non du quidam : infime (et infâme(?)) individu.
Ainsi se réfléchissent la plupart des grands événements qui font et défont les hommes, et peuplent et peupleront, les livres d’histoire.
Ainsi se réfléchissent la plupart de ceux que la postérité appelle et appellera les Acteurs de l’Histoire; ceux qui, de leurs troublants sceaux marquèrent au front pays et nations, en six mots et dans le désordre : les tyrans et les Grands Hommes.
C’est ainsi que quoique Dieu soit grand, les trahisons (vis à vis de soi-même et des autres), brodant le sentier de l’avancée politique sont loin d’être petites
Qu’on se le dise.
On vous l’écrit.
A part ça ça va.
Irène Idrisse
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«L’Histoire et la politique sont affaire de téméraires à l’ego hypertrophié. Ces êtres solaires et visionnaires qui avancent le long de nos routes semées de cadavres et de jasmin».
Si l’on peut effectivement entrer en politique par idéalisme, difficile d’y demeurer ou d’en ressortir dans le même état d’esprit. L’idéalisme ne subsiste pas longtemps au contact de la praxis politique. L’hydre politique est une entité corrosive et protéiforme dont la morale - si morale il y a - fluctue non pas suivant la, mais bien les réalités en cours, à venir, en devenir et en suspension. La politique n’est pas un passe-temps pour angelots jolis. Pas une discipline pour dilettantes. La realpolitik serait plutôt indiscipline puisqu’elle a une règle implicite transcendant toutes les autres : l’absence de règle justement. L’art de la palinodie ou retournement de veste s’y cultive allégrement.
En politique, il faut tout de même convaincre. Au risque de faire cavalier seul et se la jouer poor lonesome cowboy. Auquel cas, en tout cas si l’on navigue en démocratie, l’on risque fort de ne pas faire long feu : en terreau démocrate, c’est le nombre qui prime. Quelque soit la faculté de jugement de ce même nombre.
Afin de convaincre, il faut aller «dans le sens». Et aller «dans le sens» c’est parfois aller contre le (bon) sens. D’aucuns diront que cela tombe sous le sens, soit. Toujours est-il que l’on s’abime véritablement en politique, l’on s’y perd. Et pour les moins chanceux ou les plus fragiles psychologiquement : l’on s’y échoue. Et ne surtout pas compter sur vos «amis politiques» pour vous aider à vous relever, chacun d’eux étant obnubilé par son propre devenir… politique. La politique est hématophage; tout comme Dracula, elle se nourrit du sang de ses victimes les plus immédiates : les hommes et femmes politiques. Conscients de cette incongruité, certains hommes politiques se libèrent brillamment et avec les honneurs du champ de bataille, et vont d’eux même voir ailleurs s’ils y sont : Nelson Mandela est de ceux là.
Après quelques années de pouvoir Nelson M. ne s‘est guère représenté. Fortement plébiscité il le pouvait pourtant. Mais son image d’idéaliste était si puissamment ancrée et amplifiée dans l’imaginaire de tous qu’elle n’eut pu résister aux décisions qu’il aurait été obligé de prendre et aux erreurs d’appréciations qu’il aurait immanquablement faites. L’erreur étant consubstantielle à l’homme y compris ceux occupant des postes décisionnels. L’image d’icône du plus grand homme politique contemporain eut été écornée. A coup sûr. Car Mandela est un homme. Et comme tous les hommes, il a des qualités et des défauts. Il aurait déçu. Fatalement. Forcément. D’ailleurs son parti d’origine, l’ANC, ne se reconnaissait plus vraiment en lui, tout comme lui ne se reconnaissait plus réellement en eux. La projection stylisée que tout un chacun s’était faite de lui ne pouvait cohabiter avec les diverses contraintes et autres «réajustements structurels» propres à la real politik et semble t’il, inhérentsau rôle de chef d’état. Rendu à la vie civile, l’auréole de monsieur M. est demeurée intacte ou tout comme. Et puis, après tant d’années de lutte et de captivité, il lui fallait vivre. Vivre un peu. Vivre enfin. Rappelons que pour tous les hommes, qu’ils soient de grands politiques ou non, la règle, c’est une vie et non deux.
Paradoxe des paradoxes, pour certains hommes politiques s’entend, c’est donc parfois hors du ring politique proprement dit que ces derniers parachèvent au mieux leur carrière… politique.
La politique est hautement dangereuse. Elle change les hommes. Quelque soit leur niveau de probité initiale, les hommes et femmes s’immergeant en elle se voient bien souvent contraints de pagayer en eaux troubles. Monde étonnant dans lequel l’on ne peut évoluer sans laisser tout sentimentalisme ou «faiblesse» de coté.
Muselées : les envolées lyriques. Amputées : les ailes. A la trappe : les idéaux ou balivernes humanistes dont l’on se targuait avant de dument frayer avec la realpolitik. Tels sont les prix à payer pour y survivre. Traitresse majeure, la politique phagocyte les hommes et femmes qui s’aventurent en son sein. Elle est sables mouvants. Et ce sont mains et pieds bien arrimés au plat que l’on peut espérer y bâtir une casbah éthique et, ou, morale que la première bourrasque n’emportera pas.
En politique, l’idéalisme est donc une pure vue de l’esprit. Seule prime la raison, et ce, même si celle-ci s’avère hautement déraisonnable. Être pragmatique et calculateur, avoir une pratique assidue du sophisme, vivre constamment sous tension, anticiper le pire même lorsque les aficionados-griots s’entêtent à peinturlurer l‘avenir en rose bonbon.
L’expression stipulant que la fin justifie les moyens prend en politique et en Histoire tout son sens. Comme dirait l’Autre, il est pardonnable «de violer l’Histoire à condition de lui faire un enfant». C’est cela la politique : la vue d’ensemble au détriment du détail, le coup de canon au détriment de la petite musique de nuit, le résultat pour soi au détriment des états d’âmes, des États et de cette obscure entité répondant au nom de Peuple (négligeable, idiot de nature, relégué aux oubliettes, que l’on ne sort de la naphtaline qu’au tocsin des suffrages), prendre de la hauteur par rapport à la soudain obsolète notion de Mal et surtout, à celle de Bien.
De fait, Histoire et Politique sont affaire de téméraires à l’ego hypertrophié. Ces êtres solaires, solitaires et visionnaires qui, hiératiques, avancent le long de nos routes semées de cadavres et de jasmin. Mais «c’est pas grave». Car que c’est sur ces cadavres là que jaillira la félicité nouvelle Inch Allah. La fin justifie les moyens. La fin justifie tous les moyens. La loi des oligarques et non du quidam : infime (et infâme(?)) individu.
Ainsi se réfléchissent la plupart des grands événements qui font et défont les hommes, et peuplent et peupleront, les livres d’histoire.
Ainsi se réfléchissent la plupart de ceux que la postérité appelle et appellera les Acteurs de l’Histoire; ceux qui, de leurs troublants sceaux marquèrent au front pays et nations, en six mots et dans le désordre : les tyrans et les Grands Hommes.
C’est ainsi que quoique Dieu soit grand, les trahisons (vis à vis de soi-même et des autres), brodant le sentier de l’avancée politique sont loin d’être petites
Qu’on se le dise.
On vous l’écrit.
A part ça ça va.
Irène Idrisse
irene.idrisse@gmail.com