Douze ans durant, il a violé la loi sans état d’âme, en toute connaissance de cause et sans frais.
Il la violait au quotidien et pouvait bien se le permettre, connaissant bien son monde, un peuple sans mémoire, indolent, sans capacité d’indignation et prêt à avaler passivement toutes les couleuvres. Cinq ans après avoir quitté le pouvoir, il a encore le vent en poupe, capte toutes les attentions, fait la ‘’Une’’ de nombreux journaux, avec des déclarations des plus intempestives et qui, pourtant, passent pratiquement inaperçues. Les compatriotes qui ont lu ma contribution précédente – la cinquième –, ont dû mesurer la gravité des forfaits qui ont jalonné sa gouvernance ruineuse, tant sur le plan matériel, financier que moral. Nous en avons passé en revue quelques-uns, en nous appuyant sur le ‘’Rapport public sur l’état de la Gouvernance et de la Reddition des Comptes’’, juillet 2013.
Mes compatriotes qui sont encore capables d’indignation se rappellent cet avenant de huit milliards (8 000 000 000) de francs CFA, fixé de manière forfaitaire et sans l’appui d’aucun dossier technique justificatif. Huit milliards de francs CFA dont les Coréens sans visage n’ont sûrement pas vu un seul franc. Le Rapport de l’IGE a mis en évidence nombre d’autres violations flagrantes de la loi, qui mettaient directement en cause des ministres. Dans cette affaire de financement de l’édification du MRA, ils se sont empressés de signer directement des actes qui ne relevaient pas de leurs compétences. Ils ne l’ont sûrement pas fait par ignorance mais peut-être, ayant les yeux rivés sur les milliards faciles du sulfureux financement. Pourtant, combien de fois des agents de l’Etat leur ont-ils couru après pendant plusieurs semaines, voire plus plusieurs mois, pour une petite signature ? Le Ministre de l’Economie et des Finances en particulier (ou son Ministre délégué) n’avait pas le droit d’outrepasser son pouvoir qui était seulement d’approuver les actes. En signant donc les actes du nébuleux financement de la réalisation du MRA, lui et ses autres collègues ont manifestement violé les articles 56 du Code du Domaine de l’Etat (CDE) et 24 de son décret d’application n° 81-557 du 21 mai 1981, aux termes desquels « les actes intéressant le Domaine de l’Etat sont dressés par les Services des Domaines », et l’Etat y est représenté par « le Gouverneur dans la Région du Cap-Vert et par le préfet territorialement compétent dans les autres régions ». Ces autorités compétentes ont été proprement dessaisies. A quelle(s) fin (s) ? Le lecteur tant soit peu avisé le devine aisément.
Une autre anomalie constatée par l’IGE : elle n’a trouvé dans les comptes de l’Etat, aucune trace des 20 milliards qui ont servi au prétendu financement de l’édification du MRA. Tout le processus s’étant pratiquement déroulé entre l’Etat-Wade et son ‘’partenaire’’, le fameux butin ne pouvait pas laisser de trace dans les comptes publics. L’IGE s’est arrêtée aussi sur la vente par l’heureux bénéficiaire de la fameuse ‘’dation en paiement’’ de deux parcelles à deux démembrements de l’Etat : L’IPRES et la Caisse de Sécurité sociale(CSS). La vente de ces parcelles (l’une d’une superficie 184 353 m2 et l’autre de 14 310 m2) lui a rapporté respectivement vingt-sept milliards six cent cinquante-deux millions neuf cent cinquante mille (27 652 950 000) francs et deux milliards quatre cent trente-deux mille sept cent mille (2 432 700 000) francs. Avec cette opération, notre veinard a réalisé un gain de sept milliards six cent cinquante-deux millions neuf cent cinquante mille (7 652 950 000) francs. Gain facile, trop facile, fait pratiquement avec la complicité de la Commission de Contrôle des Opérations domaniales dont la défaillance a été signalée par l’IGE. Elle a, en effet, ignoré royalement l’article 55 du Code du Domaine de l’Etat (CDE) qui « soumet, entre autres, toutes les opérations intéressant le domaine de l’Etat, (à son avis) », et elle est alors « tenue de se prononcer sur leur opportunité, leur régularité et leurs conditions financières ». Elle aurait dû, toujours selon l’IGE, émettre un avis défavorable et proposer aux autorités une autre solution, notamment celle que l’Etat transige directement avec ses deux démembrements. « En ne le faisant pas, poursuit l’IGE, la Commission de Contrôle des Opérations domaniales a manifestement failli à sa mission ». Elle a failli, et même les Paaléen, Njaañéen, Ngayéen et autres Mbengéen les moins avertis savent pourquoi. Elle a failli aussi quand il s’est agi de l’acquisition et de la gestion des terres du général Chevance Bertin à Bambilor (nous y reviendrons dans notre prochaine contribution, qui clôturera sûrement notre randonnée dans la gestion foncière prédatrice du vieux président-politicien).
Nous ne passerons pas sur le conflit d’intérêts que les investigations des contrôleurs de l’IGE avaient mis en évidence, conflit d’intérêts « manifestement préjudiciables aux intérêts de l’Etat ». C’est, en effet, l’architecte-conseil du vieux président qui avait proposé à ce dernier, pour la réalisation du MRA, un entrepreneur et signé, avec lui, un « Contrat d’assistance globale à la conception architecturale, aux études techniques et au suivi des travaux ». En d’autres termes, il devait « l’accompagner dans la réalisation de l’ouvrage commandé, alors qu’il lui revenait (à lui l’architecte-conseil) d’être aux côtés de l’Etat pour veiller à la bonne conception de l’ouvrage et en assurer le suivi de l’exécution ». Au lieu de cela, il entre « en relations d’affaires avec le cocontractant de son employeur (et) a été rémunéré par ce dernier à hauteur de neuf cent vingt millions (920 000 000) de francs CFA ». Il se plaçait ainsi dans une situation manifeste de conflit d’intérêts et n’était plus, dès lors, le meilleur défenseur de ceux de l’Etat. C’est aussi cela le Sénégal du vieux prédateur et de son successeur, qui ferme hermétiquement les yeux et se bouche les oreilles (avec de la cire) sur les crimes qui ont gravement entaché tout le processus du financement de la réalisation du MRA, comme l’acquisition et la gestion des terres du général Chevance Bertin de Bambilor, qui feront l’objet de notre prochaine et peut-être dernière contribution sur la boulimie foncière du vieux président-politicien.
Mody NIANG
Douze ans durant, il a violé la loi sans état d’âme, en toute connaissance de cause et sans frais.